lundi 13 août 2012

Les médailles sont ailleurs



75 sportifs marocains, 128 millions de dirhams, un tollé médiatique avant le départ, des stars du dopage et … une seule et unique médaille de bronze. C’est le bilan du Maroc au sein de la 30ème édition des jeux olympiques d’été organisée à Londres et qui vient tout juste de prendre fin.

Les jeux olympiques de cet été étaient splendides, l’organisation était parfaite, l’infrastructure éblouissante et les performances historiques. Si le Maroc a su se démarquer durant les précédentes éditions avec des champions tels Aouita, El Moutawakkil, Boutayeb, Skah, Achik, El Guerrouj et bien d’autres, cette édition a connu quant à elle le sacre de l’athlète national Abdelaati Iguider avec une médaille de bronze après une excellente prestation à l’épreuve des 1500 mètres.

Cependant notre prestation majeure reste la médaille d’or dans la discipline du dopage. Meriem Alaoui Selsouli, Amine Laalou et Abderrahim Goumri ont récolté une exclusion nette de la part du comité olympique. Aziz Ouhadi a lui aussi était exclu pour refus de coopération lors du contrôle … Je vous laisse spéculer sur la raison.

Jetons un regard sur notre classement au sein du tableau final des médailles : nous sommes les 79ème, avec 75 sportifs dans 12 différentes disciplines. Nous tenons et de loin le premier prix de l’inefficacité sportive en comparaison avec les autres pays qui ont eux aussi décroché une unique médaille de bronze.

Mais qui en est le responsable, dira-t-on encore une fois ? Les chaines marocaines et arabes continuent de crier leur fameuse formule de participation décevante, qu’il faut faire évoluer le sport, qu’il faut y investir en temps, en ressources humaines et en argent, qu’il faut encourager les jeunes prodiges, qu’on n’a pas de stratégie à moyen et long terme adaptée pour décrocher les médailles … etc. Le même discours qu’on entend depuis une décennie. Depuis les choses ne font qu’empirer.

Comment voulez-vous faire évoluer le sport national lorsqu’on entend les déclarations de ses responsables. À titre d’exemple, le directeur technique de la boxe, interrogé par sur l’évaluation de la participation de la boxe marocaine aux JO, a répondu que la Fédération a atteint largement les objectifs tracés. Le président de la Fédération de cyclisme est allé un peu plus loin en affirmant qu’Adil Jeloul, a fait mieux que le récent vainqueur du Tour de France ! Le Football a connu lui aussi l’échec usuel avec le sélectionneur Verbeek qui se dit satisfait de la participation marocain. Quand on a l’affaire Gerets pour modèle, on peut être aussi effronté sans remords.

Cela était bien prévisible. Avec des fédérations où les présidents sont quasi éternels et nommés par des méthodes sournoises, c’est la gestion et l’organisation qui en prennent de sacrés coups. Notre unique espoir devient alors des talents qui font l’exception par leur travail et acharnement, mais quand on parle d’exception, on parle de nombre bien réduit, encore faut-il que ces derniers ne soient pas « poussés » à se doper. Bref, quand l’esprit de responsabilité manque et que l’on est dans un pays où les rouages de décision sont bien inextricables, ne nous attendons guère à faire partie du panthéon des champions.

mardi 7 août 2012

La faillite de l'enseignement public



"On ne peut plus continuer avec la logique du tout gratuit à l'enseignement supérieur du Maroc ". C’étaient les déclarations de Lahcen Daoudi, ministre de l'enseignement supérieur au Maroc. Pour étaler plus de détails, ce dernier avait affirmé que "les plus aisés devraient contribuer au financement de leurs études puisqu'elles sont très coûteuses pour l'état". Le ministre n’a pas cessé depuis de  de retirer et de réaffirmer ses propos dont on aura un avant-goût avec la prochaine loi de finances … L’adoption de ces mesures risque d'en finir une fois pour toute avec l'enseignement public agonisant depuis des décennies.

Autrefois, Hassan II avait affirmé dans une interview accordée à Jean Daniel qu'il ne voulait pas instruire son peuple, parce que ceux instruits sont devenus des opposants de son régime. Pis encore, après les émeutes de 1965, il s'est adressé au peuple en disant : " Vous les pseudos-cultivés, si seulement vous étiez des ignorants ". 

Ces déclarations se sont transformées en des politiques désastreuses de l'enseignement visant à tuer l'éducation marocaine dans l'œuf. Le taux d'analphabétisme bien élevé a quasiment stagné durant trente ans, les écoles publiques ont vu leurs effectifs augmenter et la qualité des enseignements a drastiquement baissé, s’ajoute à cela une arabisation hasardeuse et bâclée des programmes suivie d'un encouragement excessif de l'enseignement privé au détriment de l’étatique. Ce sont les titres phares du règne d’Hassan II, un roi cultivé qui a consolidé l’ignorance de son peuple pour prévenir son éveil à l’égard de son despotisme.

Avec l'avènement de Mohamed VI, les choses ne se sont guère améliorées. Le taux d'analphabétisme dépasse encore 40% de la population. L'enseignement public souffre des multiples grèves des enseignants, grèves où les demandes sont souvent matérielles et négligent l'essence de l'éducation publique et son essor. Les programmes désuets et le surnombre des effectifs ne font qu'empirer la situation. C’est ce qui pousse maints foyers à opter pour un enseignement privé de qualité, tandis que les plus défavorisés n'ont guère le choix.

Un lycéen sur deux devient bachelier selon les statistiques officielles. La plus grande partie intégrera des facultés. Une minorité se dispersera sur des écoles de commerce, des écoles d'ingénieurs ou choisira une carrière de médecin. Ces voies constituent un ascenseur social pour les fils du peuple qui se sont démarqués lors de leur cursus estudiantin. Le coût de l'enseignement supérieur se résume dès lors à des frais d'inscription, d'internat et de restauration. Du moins jusqu'à ce que le ministre ne fasse ses déclarations et son intention d'intégrer ces décisions dans la prochaine loi de finances.

Le ministre El Ouafa a annoncé il y a quelques jours l’échec cuisant du plan d’urgence de l’éducation et de la formation. Un plan avec une enveloppe budgétaire de 3,3 milliards de DH. Une feuille de route bâclée et adoptée hâtivement qui n’a servi qu’à gaspiller l’argent du contribuable. Pour calmer l’opinion publique, on vous chante que le taux de scolarisation de  la tranche d’âge 12 à 14 ans est passé de 71,3% à 79,1% … Cela veut dire qu’en 2012, un enfant sur cinq appartenant à cette tranche ne fréquente pas l’école. Cela pousse à avoir honte et non à se vanter monsieur le ministre. Cerise sur le gâteau : les programmes et les manuels scolaires seront une énième fois changés afin de « s’adapter » à l’échec du plan cité ci-haut.

Ajoutez à cela un dernier rapport de l’UNESCO qui regorge de statistiques bien effrayantes : Le Cameroun, La Tanzanie et le Bénin nous dépassent en taux de scolarisation des enfants. En plus de cela, on est l’avant dernier pays arabe en taux de réussite au baccalauréat devançant … le Yémen. Le reste des statistiques ne nous lègue que les derniers rangs au sein du monde arabe.

Les seuils d’admissibilité au sein des instituts de l’enseignement supérieur a quant à lui atteint des records durant cette année : 18.30 pour la médecine militaire, 17.27 pour l’ENA et que des 16 à peu près partout. Certains étudiants munis de baccalauréats avec de très bonnes mentions ne sont même pas recevables  pour passer les concours de sélection dans ces instituts … Cela a engendré une grogne parmi les élèves qui se sont regroupée dans « l’union des étudiants le changement du système éducatif » et ont manifesté dans plusieurs villes le 6 Août.

Durant ce temps, notre gouvernement n'a guère trouvé le courage politique de s'attaquer à la corruption et à la gangrène qui touche le pays. Il a vite abandonné la lutte contre la rente et a enterré un projet de taxation des riches. Il continue cependant à louer une monarchie qui détient le pouvoir absolu par une constitution remaniée. Au lieu de mener de sérieuses réformes, on vise à détruire cet ascenseur social de la classe moyenne et des démunis. Des classes qui souffrent d'une baisse du pouvoir d'achat, ajoutez à cela une annulation de la gratuité de l'enseignement supérieur et de probables augmentations à venir et vous menacez directement la paix sociale du pays.

On subventionnera les plus démunis nous dit-on, mais depuis quand les riches fréquentent-ils les facultés publiques ? Les plus aisés envoient leurs fils depuis le primaire au sein d'établissements privés marocains ou français. Ces derniers continuent leurs études supérieures en France ou dans un établissement privé. Ils fuient l'enseignement public, car connu pour sa défaillance. Alors de qui se moque-t-on encore au Maroc ?

Heureusement que l'autodidaxie reste un refuge pour le marocain, jusqu'à ce qu'on la taxe elle aussi.