La situation politique au Maroc peut paraître parfois extrêmement inextricable. On peine à déchiffrer ses us et
coutumes malgré toutes les analyses que l’on puisse en esquisser. L’espoir n’est
pas perdu pour autant, il suffit d’un événement ou d’un fait-divers pour en
déceler un rouage. On a pu se prêter à cet exercice encore une fois lors des récentes
averses qui se sont abattues sur Rabat et Salé il y a quelques jours.
Si ces pluies diluviennes étaient d’un
niveau exceptionnel par rapport à la moyenne, je doute fort qu’on puisse les
qualifier de catastrophe naturelle. Et pourtant les images captées étaient impressionnantes :
routes inondées, tramways et trains à l’arrêt, voitures submergées et maisons
évacuées. Le théâtre de ce spectacle désolant est la capitale du royaume où l’on
construit un immense théâtre et où un TGV compte transiter … Si c’était une
autre ville, on aurait assisté à pire.
Tout cela amène encore à se poser
des questions. Ne pouvait-on guère prévoir cela pour éviter cette situation ou
du moins en réduire l’impact ? Qui en est le responsable : Les élus locaux ?
Le gouvernement ? Benkirane ? Le roi ? La pluie ?
C’est depuis belle lurette que le
PJD tient les rênes de la gestion de Salé, ville la plus impactée par ces
averses. Elle est devenue un fief électoral où le parti de Benkirane réussit un
raz-de-marée à chaque élection. Cette durée n’était-elle pas suffisante pour
que les élus locaux démontrent leur compétence dans la gestion des affaires
publiques ? Ou bien est-ce encore les forces obscures qui ont frappé et
entravé le bon fonctionnement des réseaux d’assainissement ? Si l’on était
dans un autre pays que le Maroc, il aurait été plus facile de parler de
reddition des comptes et de flageller le conseil de la ville. Mais encore une
fois, même pour une averse, la chose est compliquée.
La responsabilité de cet échec
flagrant de la gestion publique incombe à deux parties : les responsables
élus et ceux nommés par le roi. Les walis détiennent un pouvoir non négligeable
sur la gestion des collectivités territoriales. Leurs prérogatives leurs
permettent même de bloquer leurs budgets. Rabat a d’ailleurs vécu cet épisode
récemment. Si en plus de cela un wali peut interdire à un maire d’assister à la
fameuse cérémonie d’allégeance, ce haut-fonctionnaire ne peut-il pas s’immiscer
dans la gestion des collectivités et des grands projets qui y sont tenus ?
Le constat est bien connu : l’élu n’a pas et n’aura jamais la liberté d’appliquer
le programme auquel il s’est engagé auprès de ses électeurs, si programme il y
a bien sûr. Celui-ci est susceptible de changer à la guise de l’humeur du wali
et de ses subordonnés. Allons plus loin. Le roi lui-même peut intervenir dans
des affaires de gestion locale des villes : rappelons-nous de son discours
sur le « déficit de la gouvernance » de Casablanca tenu depuis … le
parlement. L’épisode du showroom de la CGI, qui s’est vu démolir en un clin d’œil,
nous interpellera également sur la réactivité extrême aux « colères
royales ».
Alors le PJD est innocent et c’est
la faute au roi et à ses walis ? Cela aurait été bien facile à dire. En
acceptant de jouer le jeu et d’entamer des « réformettes », le
PJD entérine la situation actuelle et lui confère une légitimité populaire avec
sa base électorale. Oui ce parti assume aussi sa part de responsabilité. S’il
ne gouverne pas, ne proteste pas quand on le prive d’exercer ses prérogatives
et qu’il vient enjoliver la situation actuelle, ne se transformera-t-il pas en
un parti de rentiers et de beaux parleurs ? Avec toute la bonne volonté du
monde, peut-on être maire d’une ville et cumuler d’autres responsabilités
politiques ? Durant cela de l’argent est toujours dilapidé et les villes continuent
de se dégrader …
Théodore Steeg, résident général au
Maroc et successeur de Lyautey affirmait qu’ « Au Maroc, gouverner c’est
pleuvoir ». Si cet adage reste encore d’actualité avec notre économie
après plus d’un siècle, on pourrait aussi affirmer que démasquer c’est pleuvoir.
Démasquer un système désuet où il n’y a aucune reddition des comptes, démasquer
de l’amateurisme à la gestion des affaires publiques, démasquer un statu quo nauséabond
qui enfonce le pays dans la mauvaise gouvernance et surtout démasquer que rien
ne change au Maroc. Après tout, c’est la faute à la pluie.
Analyse logique...#Med_Z
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