Un autre acte vient de s’inscrire dans les
tractations gouvernementales depuis les dernières élections. Il aura suffi que
le monarque revienne de sa tournée africaine pour annoncer la décision :
limoger Benkirane et le remplacer par Elotmani. Tout cela s’est produit
dans un laps de temps très court. Certains ont crié joie, d’autres ont exprimé
leur regret, mais essayons de regarder de plus près les facettes de cette
décision.
Après concessions, déclarations d’amour et lettres
de soumission envoyées par Benkirane au roi, rien n‘y fait. Le chef de
gouvernement nommé a été démis de ses fonctions sans aucune réception
royale. Qu’on veuille la cacher ou non, c’est une humiliation des plus amères à
digérer. Si la constitution défendue par Benkirane lui-même oblige le roi à
désigner le chef du gouvernement du parti vainqueur des élections, elle fait fi
du cas de l’échec de ce dernier à accomplir cette tâche. Le communiqué du cabinet
royal annonçait d’ailleurs que le roi disposait de « plusieurs options
constitutionnelles » face à cette situation. Avec ses phrases vagues et
inextricables, cette constitution on
peut lui faire dire tout et n’importe quoi. Écrite par une
commission royale, toute interprétation adoptée par le roi devient de facto la
bonne et la plus utile pour la patrie.
Mais malgré cela Benkirane reste un homme d’exception
dans le champ politique marocain. Il sort d’un mandat où les décisions les plus
impopulaires ont été prises et réussit à gagner les élections avec plus de voix
à son compteur. Il peut offrir à son auditoire les inepties les plus déplacées
tout comme les discours les plus poignants. Les figures de l’opposition passent
pour des guignols et des pantins devant ses talents d’orateur. Il mélange avec
subtilité ruse politique et naïveté simulée. Il s’attaque timidement aux rouages du makhzen tout en lui offrant les plus grandes
louanges. Qu’on le veuille ou non, Benkirane est un leader politique incontournable
au vu de ce que peut offrir le Maroc.
Cependant la méthode Benkirane n’a pas duré.
Il a été évincé par le même roi dont il a défendu les directives avec acharnement et vivacité. Il faut se résigner à la réalité : au-delà de tout
blocage politique ou tout autre simulacre, le palais n’acceptera jamais un
leader charismatique avec une légitimité populaire grandissante. Pour tous ses loyaux
services, c’est une humiliation dont a écopé Benkirane. Lorsqu’on défend le
modèle d’un roi commandeur de croyants, un père du peuple à qui revient le
dernier mot et dont les paroles sont sacrées, on ne peut guère espérer autre
récompense.
On parle d’un certain blocage du pays et d’un
arrêt des institutions. Lorsque ces fameuses institutions tournaient à pleine
vitesse et que les pions exécutaient les hautes instructions, qu’a-t-on concrètement
réalisé ? On a ruiné l’école publique, privatisé les hôpitaux
et broyé les marocains dans des bennes à ordure. Même l’intégrité territoriale
s’est retrouvée menacée à certains moments … Le pays est non dans un blocage mais dans une régression depuis
belle lurette. Il le restera tant que le modèle de gouvernance politique n’est
pas réformé. À pouvoir devrait être associé reddition des comptes et
responsabilité. Le despotisme éclairé n’est
pas un modèle viable pour le développement, c’est une oligarchie qui ne bénéficie
qu’à une caste au détriment de tout un peuple.
La réaction du PJD quant à elle est restée diplomatique mais
subtilement ouverte à toutes les évolutions. Les sympathisants du PJD
attendaient de tenir leur congrès avant la nomination royale, il faut rêver
pour voir cela se réaliser. C’est le roi qui décide de qui limoger
ou nommer et quand il le souhaite. Voyons ce que les prochains jours vont amener ... Le mérite de cette
situation est qu’elle montre encore une fois le vrai visage de la politique
marocaine. Verra-t-on le roi au chevet de Benkirane dans quelques
années à l’instar d’El Youssoufi ? Seul le temps nous le dira.
Bonjour.
RépondreSupprimerJe ne sais pas si mon sentiment est partagé par de nombreux citoyens mais j'ai l'impression d'assister à un viol en réunion de notre jeune démocratie et je me sens souillé par l'impuissance générale d'éviter cela.