mercredi 30 mars 2011

Médias, à vous le tour




Les médias avec leur fonction phare de moyen de transmission de l’information jouent un rôle imminent dans l’influence des opinions. Un des piliers de la démocratie est d’ailleurs  la liberté de la presse et sa transparence. Qu’elle soit écrite ou audiovisuelle, la presse doit transmettre la réalité et rapporter les faits avec un degré d’honnêteté irréprochable.

Voyons ce qu’il en est dans notre cher pays : Avec nos huit chaînes télévisées, avions-nous su donner à la télévision marocaine sa vraie valeur, faire d’elle le porte-parole du citoyen lambda et une vitrine de notre culture et patrimoine ? Avec nos mille et une parutions, sommes-nous à l’ère de l’accès facile à l’information ? J’en doute fort. Au contraire, on a délaissé la qualité au détriment de la quantité pour empirer encore la situation.

En effet, dès qu’on allume notre téléviseur, on a droit à de sordides programmes insultant l’intelligence du marocain, puisant dans la téléréalité, dans la comédie pour les sots et dans la dépravation.

Ajoutez à cela les coups de la censure venant de la HACA et autres coups de fils passés au dernier instant par des hauts placés afin de changer un petit détail ne leur plaisant guère dans une émission ou refuser un certain invité sur un plateau de télévision.
En plus de cela, nos JT sont d’une modestie inégalée, constitués en premier lieu d’éloges pompeux du moindre déplacement du roi et essayant de faire du simple acte royal un événement historique incontestable.

Certaines figures en ont fait leur spécialité à tel point qu’au Maroc on possède en plus du porte-parole du palais, un louangeur du palais. Ne vous demandez pas alors pourquoi le marocain fuit ses propres chaînes et cherche l’alternative dans le produit international largement supérieur en terme de contenu et de qualité.

Il n’y a guère de place pour les autres opinions dans nos médias. Celles qui divergent de la vision de l’état n’ont pas le droit de paraître ni de s’exprimer. Et s’il arrive par hasard que cela soit le cas, ne vous attendez pas à ce qu’on vous relate la totalité des choses, vous resterez sur votre faim, puisque l’ombre de la censure plane toujours sur les intervenants. La propagande est l’ultime dessein de certains intervenants, les dernières gaffes de Sitail et Laaraichi en sont la meilleure preuve. Tant que des responsables aussi sournois et ayant un manque aggravé de déontologie sont dans des postes de décision, les journalistes ne pourront mener leur travail à bon escient.

Certaines personnalités faisant partie de l’opposition sont quasiment bannies des émissions télévisées et ce depuis fort longtemps. Heureusement que le 20 février commence lentement, mais sûrement à changer la donne. On commence à briser les tabous et à traiter la monarchie parlementaire, le baisemain et autres sujets qu’on n’osait même pas discuter dans un café en public.
La presse écrite est loin d’être exempte de défauts. Affaiblie par des amendes faramineuses et des procès plus proches du théâtre que de la justice, ces mascarades ont fait  perdre l’âme à certains de nos meilleurs journaux et magazines qui étalaient des enquêtes sur le palais, l’armée, les ministres et autres possesseurs de pouvoir. Un domaine que nombre d’individus dans les hautes sphères veulent garder toujours en secret. 

Nos radios n’échappent pas à la règle. Après une certaine libéralisation du marché et l’apparition de moult nouvelles stations, on aurait aimé que cela s’accompagne d’un enrichissement du contenu. Cependant, on a eu droit à un traitement surabondant des faits-divers et du divertissement, à tel point où nos présentes stations radios se ressemblent sans trop se différencier : de la musique, des faits-divers, des coups de fils parvenant des auditeurs parlant de tout et de n’importe quoi, le tout parsemé par un journal d’information dont la matière est sujette à discussion.

Mais avec le 20 février, on commence à ressentir du changement. En effet, les journalistes commencent à multiplier les sit-in visant la SNRT, 2M ou la MAP. Les voix du changement retentissent de l’intérieur refusant de continuer à céder à la censure et aux coups bas. Les plumes commencent à virevolter et l’encre à couler. Articles, critiques et chroniques affluent et fustigent les maux de ce Maroc, mettant la lumière ainsi sur les maux dont souffrent l’état et les citoyens.

Profitons du laps du temps où la constitution est révisée pour décortiquer nos médias et assurer leur plein essor. Neutralité, déontologie et professionnalisme doivent être dorénavant les seuls mots d’ordre de ces derniers, et s’ils s’entêtent à l’égard de l’évolution, ils auront signé leur arrêt de mort.

vendredi 11 mars 2011

Espoir et vigilance

Le 20 février a commencé par une graine semée, il est devenu un arbuste qu’on a arrosé avec un espoir de changement, une volonté d’affranchissement et un amour de la patrie. Dès que l’arbre a dévoilé ses premières feuilles, des vents ont débarqué des quatre cotés pour le déraciner, mais en vain. Le peuple du 20 février s’est obstiné et s’est inspiré de nos frères tunisiens et égyptiens qui commencent à saisir leur destin en main. Maintes ont été les attaques et autres diffamations pour nous rebuter, mais l’arbre a continué de croître pour que sa première fleur puisse voir le jour.

Le 9 mars, le roi s’est adressé aux marocains dans un discours assez différent de ceux aux quels on avait eu droit auparavant. Un discours où il a exprimé la volonté d’entamer des réformes constitutionnelles portant sur plusieurs revendications qui ont toujours été formulées par les marocains et qu’on a mis en exergue encore une fois durant le 20 février.

Souvenez-vous, il y a quelques jours, on nous traitait de traîtres et de semeurs de trouble … Un mutisme assourdissant règne parmi les rangs des anti-20 février maintenant, alors où sont vos mauvaises langues, vous qui possédiez la vérité absolue, vous qui vous êtes arrogés en donneurs de leçons et en férus patriotes, vous qui nous demandiez de quitter le Maroc si l’on refusait de fredonner « l3am zine ». Tout cela m’avait bien diverti depuis, certes avec beaucoup d’amertume, mais votre flot était tellement abondant et inepte qu’on ne pouvait étouffer nos rires parfois.

Tournons cette page et laissons le jugement aux clairvoyants, car les faits prouvent leur véracité et n’ont guère besoin d’éloges.

Le discours portait en lui un nouveau souffle de changement. Le roi a enfin déclenché la machine de la réforme constitutionnelle dont j’avais parlé plusieurs fois dans mes précédents articles. Cependant, le discours était vague et subtil, ce qui nécessitera qu’on soit sur nos gardes et qu’on se dote de vigilance.

En effet, les termes et les phrases utilisés par le roi véhiculent une bonne volonté et illustrent un pas en avant. Mais attendons de voir sous quelle forme seront traduits ces propos dans le projet de la nouvelle constitution et ne précipitons pas les choses.

Ayant choisi tous les membres du conseil constitutionnel par lui-même, Mohamed VI assume donc l’entière responsabilité de ce que ce conseil enfantera. On aurait espéré que ces membres soient désignés par suffrage universel pour garantir une meilleure expression de la volonté du peuple … Je préfère ne pas discuter des antécédents de ses membres ou de leur passé avant qu’ils ne nous apportent la forme concrète de ces changements. Car à y méditer, le régent aura tracé les lignes où ils auront à travailler. Bref, attendons avant de juger.

Ceci dit, d’autres requêtes sont encore à l’ordre du jour.

Parmi elles figure la liberté d’expression et de manifestation. Deux droits qui souffrent encore de plusieurs entraves et qu’on arrive à culbuter facilement dans notre pays à coups de censure et de matraques.

La libération des détenus politiques et des détenus d’opinion n’est pas à remettre au second rang aussi. Si l’on a libéré le colonel-major Terhzaz sous les coups d’une forte médiatisation et d’une lutte acharnée contre l’injustice, on ne doit oublier Chakib Elkhyari, les six détenus politiques et les autres incarcérés sans procès équitable. La balance de la justice doit être rétablie le plutôt possible pour accompagner ces réformes.

Monsieur ElMajidi on ne vous aura pas oublié vous aussi, vous qui êtes devenu le symbole de l’usurpation économique et des sournoiseries financières au nom de sa majesté. Vous et vos semblables devriez être jugés pour tout le mal que vous avez causé à cette patrie.

Cher ElHimma, détrompez-vous, votre rassemblement d’opportunistes et d’arrivistes commence à empester et ce ne sont guère vos odeurs nauséabondes et votre avidité qui nous empêchera de sentir le vent de la liberté.

Cher Abbas Elfassi, il m’aurait fallu tout un livre pour illustrer les tentacules que votre famille a dressé dans la fonction publique et les postes-clés. Un autre me serait nécessaire pour fustiger les gaffes et les incompétences que votre clan multiplie à chaque occasion.

Frères compatriotes, dotons-nous de civisme et protégeons notre patrie des usurpateurs. Soyons engagés, exprimons nos voix et refusons de les vendre aux âmes corrompues. Le changement doit s’œuvrer en parallèle sur nous-mêmes, ne l’oublions guère. Tâchons de nous rappeler que ce que nous vivons aujourd’hui est un pas et un début pour un Maroc meilleur.

dimanche 6 mars 2011

Le paradoxe constitutionnel

Essayons de revisiter la constitution du Maroc et de mettre en exergue quelques articles particuliers.

Je tiens à éclaircir pour éviter les mauvaises langues que ceci est ma vision personnelle, je ne prétends en aucun cas être ni un juriste affirmé ni un éclairé.

Article premier: Le Maroc est une Monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale.
Mettons l’accent sur l’adjectif démocratique. La démocratie est établie sur le principe du gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple selon la formule d’Abraham Lincoln.
Quand le peuple est souverain, cela suppose que le pouvoir n’est pas détenu par une seule personne -cas des monarchies absolues- ou par un clan -cas des oligarchies- mais par le peuple à travers ses représentants.


Pour être plus clair, une monarchie ne peut être démocratique que dans le cas où elle est basée sur la délégation du vrai pouvoir au peuple : les monarchies parlementaires en sont le meilleur exemple contemporain. Mais quand on possède une monarchie qui se base sur une constitution où la totalité des pouvoirs est entre les mains du régent et où on déclare dans le premier article que ce système est démocratique, alors excusez-moi d’y apercevoir un paradoxe fulgurant.

Article 3: Les partis politiques, les organisations syndicales, les Collectivités Locales et les Chambres professionnelles concourent à l'organisation et à la représentation des citoyens. Il ne peut y avoir de parti unique.


Sur le plan théorique, cet article est parfait. Mais les dernières élections législatives ont enregistré un taux de participation officiel de 37%, ce qui reflète que le peuple a perdu confiance dans ces instances et leurs dirigeants qui sont supposés le représenter. Et ce car ils ne détiennent aucun outil de changement efficace et qu’ils ne font qu’appliquer les directives du palais, mais aussi parce que les leaders sont devenus des corrompus ou que des corrompus sont devenus leaders.


Il ne peut y avoir de parti unique, tant mieux. Cependant, on peut œuvrer pour propulser un nouveau-né nommé le PAM au devant de la scène politique. Ceci prend lieu via un nomadisme incomparable d’opportunistes et d’une bénédiction tacite du souverain. Ainsi les autres partis deviendront des comparses politiques pour animer la scène de temps en temps et simuler du multipartisme.

Article 5: Tous les Marocains sont égaux devant la loi.
Une petite visite aux tribunaux vous fera sûrement dire le contraire. L’incident du petit fils chouchouté de Khalid Naciri parmi tant d’autres où les individus ‘puissants’ ne sont pas traduits en justice en est le meilleur exemple.

Auriez-vous imaginé que le ministre reste à son poste après cet incident dans un pays démocratique où les hommes d’états sont déchus pour une simple déclaration ? La vidéo relatant l’incident a fait le tour du web, mais aucune poursuite n’a eu lieu ni envers le ministre ni son fils. Abbas ElFassi ne doit-il pas être interrogé dans l’affaire Annajat ? Au lieu de cela il est devenu premier ministre du royaume. C’est ce qu’on appelle l’égalité devant la loi chez nous.

Article 12: Tous les citoyens peuvent accéder, dans les mêmes conditions, aux fonctions et emplois publics.
Je présume que c’est pour cette raison que les fonctions publiques foisonnent des fassis fihris entre autres et que les diplômés chômeurs ont gouté mille et une fois à la répression durant leurs sit-in pacifiques. Partant du principe que l’article est exemplaire, alors la seule justification qui reste et que les citoyens dont on parle ne sont pas ceux que je croise dans les rues quotidiennement, mais ceux qui ont un ministre ou un haut fonctionnaire dans l’arbre de famille pouvant leur garantir un poste grâce au clientélisme et au favoritisme. Les autres sont considérés comme de la populace et des citoyens de seconde zone.

Article 9: La Constitution garantit à tous les citoyens : … la liberté d'opinion, la liberté d'expression sous toutes ses formes et la liberté de réunion … Il ne peut être apporté de limitation à l'exercice de ces libertés que par la loi.


Liberté d’opinion, bien sûr. Mais à condition de ne pas toucher au roi, à la religion, à l’affaire du Sahara (dont je défends l’appartenance au Maroc) et sans dénigrer la vie de luxe que mène tout un clan avec les ressources du Maroc. Si vous n’adhérez pas à cela, on vous inculpe pour lèse-majesté ou diffamation avec des amendes exorbitantes. Mieux : grâce aux ficelles d’un lobby bien puissant, on vous privera de la publicité au sein de votre magazine et votre journal. Ce qui induira certainement à la faillite de votre projet et vous fera taire une fois pour toute parce que vous avez osé porter la tenue de l’opposant.

Allons rendre une visite à la partie traitant de la royauté avec ses fameux articles.

Article 23: La personne du Roi est inviolable et sacrée.
L’un des articles les plus courts mais aussi les plus discutés de notre constitution. Il se contredit tout d’abord avec la déclaration universelle des droits de l’Homme et avec la constitution marocaine elle-même puisque les deux déclarations imposent une égalité entre les citoyens et la sauvegarde de la dignité de chacun.


Or, comment cela peut-il être réalisé lorsqu’on sacralise une personne, lorsqu’on la place au dessus des autres humains, lorsque les citoyens perdent toute dignité avec les protocoles en s’inclinant et en baisant mains, épaules et buste du roi ? Ces pratiques datant du féodalisme ne font qu’instaurer des dogmes dont on n’a guère besoin dans un Maroc qui prétend à la modernité et au changement. Lorsque le peuple aime son roi, il n’a guère besoin de tomber dans l’indignité pour prouver son amour. Le respect envers la personne du roi peut prendre moult expressions et pas nécessairement celle-ci.

Articles 24-35 : Ces articles consacrent un pouvoir absolu chez le roi : il nomme le premier ministre, nomme de facto le gouvernement, peut dissoudre ce dernier et les deux chambres du parlement, promulgue les lois, accrédite les ambassadeurs, préside le Conseil Supérieur de la Magistrature, le Conseil Supérieur de l'Enseignement et le Conseil Supérieur de la Promotion Nationale et du Plan … et la liste est longue.


Toute cette concentration ne peut que nuire à la démocratie basée sur la séparation de pouvoirs. De facto, rien ne peut s’établir dans le pays sans la bénédiction du roi et n’imaginez guère un opposant qui puisse différer d’avis avec le monarque. Un exemple fulgurant est celui du premier ministre qui déclare que son programme est celui de sa majesté ! Admirez l’originalité !

Les articles qui s’enchaînent continuent la description du parlement et du gouvernement. Des règles dignes d’un pays démocratique, mais qui n’ont que peu d’effet à cause de la concentration du pouvoir chez une seule personne, ce qui rend le Maroc une coquille luisante mais une coquille vide avant tout.

Vint ensuite la partie consacrée au conseil constitutionnel, un conseil qui doit agir le plutôt possible pour mener de vraies réformes constitutionnelles et revisiter ce contrat social caduque afin qu’il soit conforme aux principes universels de la démocratie.

Allons directement aux articles concernant cette fois-ci la Cour des Comptes. Une Cour qui a honorablement fait son travail en mettant le doigt sur les dérapages financiers d’une centaine de préfets, wali et pachas. Malheureusement, la machine judiciaire n’a pas suivi le rythme et ses engrenages sont restés rouillés au lieu de poursuivre les traitres du pays et les traduire en justice. Ce qui encouragera encore d’autres voleurs à drainer notre patrie.

Bref, la constitution souffre indéniablement de plusieurs problèmes : elle comporte des articles vigoureusement appliqués qui nuisent à la démocratie et à l’équité. Tandis que ceux portant en eux l’essence même de la démocratie sont difficilement perçus dans la réalité. Ces deux entités se contredisent, se chevauchent et ne peuvent coexister dans une même constitution. Le contrat social qui relie les citoyens est la constitution, c’est pour cette raison qu’elle doit être revue en profondeur si l’on veut opérer de vraies réformes. Quand on établira un nouveau contrat, c’est à chacun de nous d’être responsable et d’assumer son civisme. Car changer la constitution doit impérativement s’accompagner d’un changement de comportement pour en garantir le succès.


La solution qui s’impose est d’établir une monarchie parlementaire où l’on procédera à une réelle séparation de pouvoirs, où le peuple pourra demander des comptes à ses représentants et aux possesseurs du pouvoir s’ils enfreignent la loi. Un Maroc où le roi sera écarté de tout soupçon et de toute critique et restera le symbole de l’unité de la nation, puisqu’il est apprécié par la majorité des marocains et le sera encore plus s’il procède aux réformes qui s’imposent.