vendredi 28 décembre 2012

L'égalité de la matraque



Ce pays est magique. Sa magie réside dans le fait qu’il recèle nombre de phénomènes fort contradictoires, mais qui, dans l’ensemble produisent le Maroc actuel. Cette magie a encore frappé aujourd’hui : En voulant intervenir pour arrêter des agents des forces de l’ordre qui tabassaient sauvagement des diplômés chômeurs, un parlementaire du PJD s’est fait rudement tabasser et humilier à son tour. Dévoiler son identité d’avocat, de parlementaire du PJD et de membre du bureau exécutif d’un forum défendant la dignité des citoyens ne lui a valu qu’un acharnement de la part des policiers. Cerise sur le gâteau, le député a eu droit à un déluge d’insultes et a failli être embarqué selon son témoignage.

Cet accident, fort regrettable pour tout citoyen marocain indépendamment de son appartenance, nous amène à reconsidérer pour la énième fois le comportement de la police à l’égard des marocains durant les manifestations à caractère pacifique.

La loi en vigueur stipule en effet que les autorités chargées de disperser une manifestation pacifique devraient annoncer leur intervention clairement deux fois via mégaphone avant d’intervenir. En cas d’intervention, tout « abus de violence » devrait être évité et l’on devrait se maintenir au premier objectif : disperser la manifestation. Sur le terrain c’est une autre histoire.

 Les forces de l’ordre, sous les commandements des supérieurs, ne se contentent pas seulement de disperser la manifestation, mais poursuivent les manifestants dans les ruelles les tabassent sauvagement à l’aide de leurs gourdins. Ajoutez à cela un florilège des insultes les plus inouïes. Essayez d’appeler au respect de votre dignité et vos os auraient un bonus de plus.

Revenons à notre incident. Il serait judicieux dans ce contexte de rappeler les propos de notre chef de gouvernement portant sur l’intervention des forces publiques. Ce dernier affirmait avec vivacité que « les blessures enregistrées auprès des forces de l’ordre dépassent parfois celles des manifestants » et qu’il serait préférable de matraquer les citoyens au lieu de les poursuivre légalement pour ne pas « faire souffrir leurs familles ». 

J’aimerai bien écouter notre chef du gouvernement justifier comment un parlementaire de son parti a blessé les policiers avec sa carte d’identité, j’aimerai également entendre la famille de la victime remercier avec zèle Benkirane de leur avoir épargné de faire le tour des tribunaux. Ne parlons guère de ses pauvres militants, diplômés chômeurs, imams ou docteurs qui ont goûté à la matraque. Ne parlons guère du pauvre citoyen marocain devenu un sac de frappe à toutes les occasions …

Cet acte porte en lui une forte symbolique : un représentant du peuple ayant prouvé son identité se fait expressément maltraiter devant le regard des passagers au sein de la capitale du pays, à quelques mètres de l’enseigne où il est censé défendre les citoyens qu’il représente. Vous l’aurez compris, devant la matraque, tout le monde est égal. À défaut de partager les droits, on aura au moins le privilège de partager la matraque. Il est à noter finalement que M.Idrissi, le député concerné, affirmait il y a quelques semaines dans une émission qu’il y avait une nette amélioration de la situation des droits humains au Maroc. Venez, reparlez-nous de cette amélioration …

mardi 13 novembre 2012

Réflexion sur la monarchie marocaine




            La vague du printemps arabe a apporté plusieurs changements au sein des pays concernés. Un changement tant attendu par les citoyens du monde arabe. Certains pays ont vu leurs régimes s’effondrer, d’autres ont mené des réformes plus atténuées tandis que certains ont su résister aux prémices d’un soulèvement populaire. Le Maroc figure parmi les pays qui ont été submergés par cette soif de démocratie, mais la monarchie marocaine a su concocter la réponse qui lui convient aux requêtes formulées par le mouvement du 20 février, mouvement ayant guidé ces aspirations au changement. 

            Avant de se lancer dans une réflexion sur cette monarchie, attelons-nous à mieux la définir et à cerner ses caractéristiques. Un premier regard nous amène à constater que c’est une monarchie couteuse, bien couteuse. Le projet de loi de finances pour l’année 2013 consacre la modique somme de 2.576.769.000 MAD pour le palais royal. Divisée par les jours de l’année, ce chiffre se mute en la valeur de 7 millions MAD issus de l’argent du contribuable marocain et alloués quotidiennement et directement au palais royal. Ce montant arrive à tripler, voire à quadrupler le budget alloué à certains ministères au sein de ladite loi de finances. Jusqu’à présent, aucun parlementaire n’a osé discuter cette somme. La rubrique royale se retrouve toujours validée à la vitesse de l’éclair durant les sessions du parlement marocain.

            Pour un pays dont l’indice de développement humain est le 130ème sur le plan mondial, dont 40% des habitants sont encore analphabètes et où le quart de la population vit sous le seuil de la pauvreté, ces deniers auraient définitivement trouvé un meilleur usage.

            En plus de détenir une part conséquente dans la répartition de l’argent du contribuable, la monarchie alaouite contrôle incontestablement les rênes de l’économie marocaine. L’outil est une redoutable composition inextricable de holdings dont la plus connue est la fameuse SNI, société nationale d’investissement. Rien qu’énoncer son nom fait frémir et rétracter les entrepreneurs les plus aguerris du pays. Cette holding détient le monopole des secteurs économiques les plus importants du Maroc. Après une fusion et réorganisation de ses filiales entamée deux ans auparavant, cette holding commence à céder l’industrie des huiles, des produits laitiers et de la biscuiterie afin d’investir dans le secteur des énergies renouvelables et des nouvelles technologies. Le monopole du consommable est délaissé au détriment du pérenne, plus alléchant et produisant des marges de gain plus attractives. Miloud Chaabi, le marocain le plus riche selon le dernier classement de Forbes a lancé à maintes reprises des critiques sulfureuses vis-à-vis du manque de transparence dans certaines affaires où des intervenants proches du palais prenaient part.

            La monarchie marocaine possède à son titre maintes terres agricoles fertiles, faisant d’elle le leader national de ce secteur qui rapporte des gains immenses à ses investisseurs. Surtout lorsqu’on sait que l’agriculture marocaine est exonérée d’impôts et bénéficie de subventions bien attirantes.  

            Cet aspect d’hégémonie économique et financière ne pouvait prendre lieu si la monarchie n’avait pas la capacité de faire la pluie et le beau temps au Maroc. Le roi reste en effet le décideur incontestable du pays. Le régime a procédé durant l’année dernière à une réforme constitutionnelle. Une campagne médiatique féroce a été menée par le régime pour vendre les mérites de la nouvelle constitution, certains sont allés jusqu’à déclarer qu’elle entamait l’ère de la nouvelle monarchie alaouite. Un black-out médiatique a été mené en parallèle pour contrecarrer les appels au boycott de la « constitution octroyée », thème disputé entre la monarchie et ses opposants depuis plus d’un demi-siècle. La constitution fut adoptée à un score Brejnevien.

            Des élections législatives anticipées furent organisées. Ces dernières donnèrent victoire au parti de la justice et du développement, parti islamiste d’opposition accédant la première fois au gouvernement. Au gouvernement, non au pouvoir. Bien des espoirs furent nés, mais se dissipèrent à la vitesse de la lumière. Dès son premier chantier, une simple réforme des cahiers des charges des médias publics, un tapage médiatique incontestable fut soulevé. On a vu des subordonnés des ministres faire les rebelles et donner des déclarations à l’encontre de ce chantier sans être dérangés. Un « arbitrage royal »  s’imposait dès lors. Juste après les cahiers des charges furent octroyés à une commission présidée par le ministre de … l’habitat !

            De nombreux épisodes se succédèrent dès lors : Une hausse bien impopulaire des prix des carburants afin d’alimenter les caisses de l’état, la taxation des riches fut abandonnée à la vitesse de l’éclair sous prétexte de faire fuir les investisseurs, silence radio sur le plus grand festival du pays que les islamistes dénigraient autrefois à l’opposition, le chef du gouvernement présentait ses « excuses » au roi et à ses conseillers, le ministre de l’enseignement supérieur veut en finir avec la gratuité dudit enseignement, une ligne de crédit record de 6.2 milliards de dollars fut ouverte auprès du FMI et le chef du gouvernement dit souffrir des « crocodiles et démons » qui l’empêchent de réformer. Il devient ainsi la risée des journaux qui suivent chacune de ses déclarations, trop spontanées et non mesurées pour un leader politique. C’est ainsi que ces mesures ne font que participer à la chute de popularité du gouvernement à une vitesse frénétique. 

            Une lecture de la nouvelle constitution nous amène à tirer la conclusion amère que la « monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale » telle que définie dans le premier article de ce contrat social ne reste qu’une monarchie absolue camouflée avec des institutions bien impuissantes. Aucune décision ne peut être contradictoire avec les envies et caprices de la monarchie, si petite soit-elle. Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement affirme avec ferveur et par ses actes qu’il ne peut confronter le roi et que l’évolution du pays ne peut se faire que dans l’entente entre gouvernement et monarchie. La récente visite du roi au pays du Golf a illustré encore une fois le pouvoir des conseillers de sa majesté. Conseillers qui constituent ce que l’opposition appelle « le gouvernement d’ombre », celui de façade ne servant qu’à encaisser la ferveur populaire. Les chaines officielles relatent toujours les simples visites royales telles des épopées d’Ulysse, consacrant ainsi l’image d’un roi bienveillant et d’un gouvernement incompétent.

            Cet aspect de monarchie salvatrice est accompagné par une forte symbolique créant la controverse au sein de l’opinion publique. Entre des baisemains considérés comme le salut respectueux au monarque, des prosternations bien humiliantes des commis de l’état durant une cérémonie d’allégeance datant du moyen âge et des foules « galvanisées » pour accueillir le monarque à chacun de ses déplacements. Bref, un cérémonial prestigieux où la monarchie étale sa puissance et son pouvoir suprême, où elle transmet le message qu’elle est l’épine dorsale de ce Maroc. L’opposition est quant à elle balbutiante, désorganisée et manque sévèrement de leaders charismatiques. Entre de timides communiqués, des prises de positions bien hésitantes et des joutes verbales avec le gouvernement, l’essentiel est ainsi toujours écarté. 

            Avec ce portrait, un arrêt s’impose. Avec ces données dressées, de nombreuses questions se posent. La forme actuelle de la monarchie contribue-t-elle au développement du pays ? Ce développement, figure-t-il tout d’abord dans ces objectifs ? Est-elle dotée d’un sens de nationalisme et de patriotisme à l’égard des marocains qu’elle considère des sujets et non des citoyens ? Est-elle prête à lésiner sur les moyens dans une conjoncture de crise où s’entête-elle à garder le même train de dépenses ? Est-ce le coût d’une présumée stabilité sociale et économique du pays ? Les marocains ne méritent-ils pas mieux, ne veulent-ils pas mieux ? Qui rendra les comptes des politiques publiques, un chef de gouvernement sans pouvoir ou un roi dont la personne est inviolable ? L’option de monarchie parlementaire ne serait-elle pas la plus adéquate pour le Maroc ?

            Quoi qu’il en soit, je pense que l’état actuel du Maroc ne fait qu’alimenter le compte à rebours d’un changement drastique. Vers quelle voie et dans quel laps de temps ? À vous de me le dire …

dimanche 4 novembre 2012

خاطرة روس



يسحبون الثقة من روس المبعوث
يجندون الإعلام لفضح انحيازه
يطالبون بتغيير مبعوث الأمم

يرغدون و يزبدون عبر الإعلام المحلي
يعجبهم صدى أصواتهم عبر أثير الإذاعات
و يغرون بقصاصات الوكالة الرسمية
يعدون العدة و يبعثون بالمراسلات
يباشرون الإتصالات
تنتهي البهرجة
فيلاقون ردا صاعقا من بان كيمون
لا و ألف لا, رغم أنوفكم
روس في مكانه باق
يرجعون إلى جحورهم كالفئران
فقد تراءى لهم قط الحارة
يتلعثمون
يبقون بنات شفاههم حبيسة انتكاستهم
يعود كريستوفر معززا مكرما
يستقبلونه و يفرشون البساط الأحمر
يحوكون بيانات خجولة
ثم يخلقون كذبتهم
لقد حققنا نصرا باهرا
لقد تراجع عن موقفه
لقد, لقد ثم لقد
بفضل اتصال ملكي خارق انفرج الكرب
يمشي روس مشية الخيلاء
يستمتع بفوزه على دبلوماسية خرقاء
يجول مدن الصحراء
يلتقي الرسميين و غير الرسميين
يحادث "الإنفصاليين"
يحذو صوب "العدو"
يزور مدن "الكيان"
ينصت لشكوى أميناتو
تستنكر صحافتنا خرقه لحياد مزعوم
يبلع مستقبلوه ألسنتهم
و يهللون الصحراء مغربية
و هم من خانوا المغرب
خانوه صحراء و غابات و جبال
فلا رقيب و لا حسيب على رعونتهم
و تستمر الحكاية
بن مفاوضات و مفاوضات
تأتي المفاوضات
و تطول المفاوضات
و تطول
و تطول
...


mardi 23 octobre 2012

Notre parlement, cette mascarade



            Dans les pays où la démocratie est le mot d’ordre, le parlement constitue l’organe du pouvoir législatif. De par sa composition, il comporte des élus représentant les citoyens des différentes régions du pays. Grâce à une structure de fonctionnement bien spécifique à chaque état, il permet de ponctuer la vie citoyenne de lois selon la demande et de contrôler les actions du gouvernement.

            Étant donné que le Maroc constitue une « exception démocratique » exemplaire, le modèle universel ne pouvait guère nous être adapté  et il fallait ainsi le personnaliser et le rendre plus … marocain.

            Premier constat de cette adaptation, la chambre des conseillers en son état actuel est anticonstitutionnelle. Son mandat a été prolongé jusqu’à fin 2013. 90 membres verront ainsi leur mandat se terminer avec la fin du mois d’octobre 2012. Cependant, le mandat a été prolongé sous prétexte du report des élections communales et afin de participer à l’élaboration  des lois organiques de la nouvelle constitution. Les conseillers auraient mené des pressions afin de maintenir  leur statut de « représentants » le plus longtemps possible, surtout lorsqu’on sait que la deuxième chambre a vu le nombre de ses membres drastiquement réduit à 120 membres au maximum. L’aspect de légitimité et le caractère constitutionnel de cette situation reste bien inextricable. 

            Délaissons cet angle là et attelons-nous au travail saisonnier de notre instance bicamérale. À chaque session, des images insolites nous parviennent de cet édifice : des députés qui confondent leurs chambres à coucher avec le parlement, tandis que certains somnolent et d’autres bavent dans notre agora marocaine. D’autres encore plus nombreux auront choisi de ne pas assister tout simplement. Certaines sessions se retrouvant ainsi avec quelques dizaines de représentants éparpillés dans la vaste salle.

            La qualité des interventions quant à elle laisse souvent à désirer. L’élocution et le contenu sont souvent absents : entre un député grommelant un texte écrit avec des fautes dans chaque phrase ou une diatribe criée avec toute sa force pour illustrer sa « ferveur » lorsqu’il se retrouve filmé, l’essence et la noblesse du travail législatif se perdent. Le parlement n’affiche complet que lors de son ouverture, lorsque nos chers représentants viennent avec leur fameux habit traditionnel écouter les directives royales. Une scène que les marocains ont pris pour un rituel dont ils se moquent ouvertement.

            Avec ce piètre produit législatif et ces comportements indignes des représentants des citoyens, nos chers représentants n’hésitent guère à défendre voracement leurs avantages. Avec un salaire bien touffu, ils exigent des allocations de plus pour « encourager leur présence » et demandent qu’on lègue leur salaire de parlementaire à leurs famille après leur décès … Sans oublier leur raid honteux et synchronisé sur le buffet de l’ouverture de la session d’octobre, une scène bien désolante qui illustre une mascarade qu’on appelle le parlement marocain.

lundi 1 octobre 2012

La jeunesse marocaine, une descente aux enfers




            Autant vous l’annoncer dès le début : la situation est critique, alarmante et désolante. Si la situation de l’éducation est bien sinistre,  qu’en sera-t-il de la culture ? Strate bien supérieure qui suppose une éducation en bonne et due forme. Surtout si l’on sait que statistiques à l’appui, le dernier rapport de l’UNESCO démontre que parmi 100 marocains, 13 seulement décrocheront le baccalauréat.

            Avant de décrocher le fameux sésame, l’élève marocain aura parcouru les différentes étapes d’un enseignement public bien délabré. Un périple au sein des établissements marocains où l’enseignant a perdu son statut et son aura de jadis et que les plus chanceux auront pu éviter en ayant recours à l’enseignement privé. Encore faut-il qu’il soit de qualité. Bachelier donc, l’étudiant marocain cherche refuge dans un établissement de l’enseignement supérieur.

            Durant cette quête du savoir, ou plutôt du diplôme, les acquis culturels restent à prouver. Le souci principal de l’étudiant reste de réussir ses années grâce à des validations successives de modules qui se soldent par décrocher un carton où votre nom est inscrit à côté de votre établissement. Un souci qui devient une obsession motivée non pas par l’ambition, mais par la peur. La peur de l’échec.

            Délaissons ce périple d’Ulysse et revenons à un autre rapport de l’UNESCO qui décèle un chiffre reflétant l’amère réalité : au monde arabe, l’individu lit 6 minutes … par an ! La moyenne en Europe est de 36 heures. Tout est dit. Si la jeunesse marocaine d’autrefois était avide de lecture, rythmait ses activités à coups de débats, de cafés littéraires, de pièces de théâtre ou de productions intellectuelles, celle d’aujourd’hui a trouvé refuge autre part. Les pionniers d’hier étaient Laroui, Eljabiri, Laâbi, Elmandjra … Leurs productions étaient discutées avec vaillance et ardeur. La jeunesse aspirait au changement, au savoir et à l’épanouissement.

            Ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est la génération d’émissions de télé-réalité plus sottes les unes que les autres. Les débats et face-à-face intellectuels puisant dans la diversité et la richesse d’opinions ont laissé la place à de jeunes starlettes emprisonnées dans un espace décoré avec la tendance la nec plus ultra. Des milliers de jeunes à travers le monde suivent les péripéties transmises en direct sur les satellites : Karima sait bien chanter, Ahmed drague Yasmina, Jomana a la voix cassée, Haitham est adorable et autres niaiseries. D’une émission à une autre, le concept se répète et les figures défilent chaque année. Des compétitions de chant, de dance, d’aventure, de gastronomie, de mode … et la liste est longue.

            D’autres choisissent le football. Si la pratique du sport est bien louable pour le corps et l’esprit, son addiction est une calamité. L’addiction non de sa pratique, mais de Messi, du Real et du Barça. Leurs rencontres sont devenues l’événement phare des week-ends pour la junte masculine. Les dribles de Messi et ses buts sont devenus légende, la coupe de cheveux de Cristiano s’est hissée quant à elle au rang de l’effigie d’une génération. Les transferts du Mercato, leurs chiffres et leurs détails sont inscrits dans la bible des jeunes aficionados du ballon. La vidéo d’un jeune enfant surnommé désormais « le Prasson » et ayant fait le tour de la toile vous en donnera un avant-goût.

            Quand les régents du Maroc décident de promouvoir la culture, leur approche a une épine dorsale bien originale : les festivals. À entendre festival à la marocaine, attendez-vous à un petit espace VIP réservé pour l’élite, le reste de l’espace étant réservé à la plèbe que nous sommes. L’approche avec laquelle ces festivals sont organisés consacre en premier lieu une atmosphère de folklore et de festivités. L’aspect culturel reste bien délaissé et marginalisé sauf exception. Ces festivals sont devenus des « attire-jeunes » remplissant sournoisement une fonction de catharsis salvatrice pour cette jeunesse déboussolée.

            Remettons le cap sur les facultés marocaines. Surchargées, délabrées et dépassées. Elles sont devenues les lices de factions idéologiques attardées et extrémistes : le chauvinisme, fanatisme religieux et sectarisme adopté par des jeunes qui se regroupent dans des factions alimentent des scènes où l’universitaire se prend pour un guérillero. Les armes blanches et les gourdins sont le mot d’ordre, maints étudiants sont sortis avec de graves séquelles physiques et psychiques à l’issue de ces « épopées ». Quant aux cités universitaires elles sont désormais confondues avec les lupanars : La destinée de Nana narrée par Zola est devenue le mode de vie de plusieurs jeunes filles. Si la nuit porte conseil pour certaines, elle apporte de l’argent facile pour d’autres.

            Celles qu’on dénomme grandes écoles d’ingénieurs et de commerce sont devenues des manufactures de simples techniciens dénués de tout sens de critique ou de civisme. Cet ascenseur social qui perd de son efficacité jour après jour annihile ceux qui y entrent. Quand on vous propose la lecture d’Ali Baba et les quarante voleurs dans un club littéraire d’une école d’ingénieurs et quand les semaines culturelles organisées par les étudiants se dissipent petit à petit au profit de soirées DJ, la sonnette d’alarme est à tirer. Les projets d’élite sont ainsi tués dans l’œuf.

            Les conséquences de cette calamiteuse situation sont illustrées par une récente étude du haut-commissariat des plans : 1% des jeunes sont membres d’un parti politique, 4% participent aux rassemblements de partis ou de syndicats, 4% participent à des manifestations ou grèves, 9% font du bénévolat. Ajoutez à cela que plus de la moitié de cette jeunesse partage le toit de ses parents selon la même source. Comment un jeune dans ces conditions peut-il accomplir une indépendance idéelle et construire ses propres convictions ?

            Le portrait est sombre et la lumière au bout du tunnel risque de ne pas apparaitre du jour au lendemain. Cette situation peut être extrapolée à plusieurs pays arabes et africains avec quelques contrastes. Cependant, la chance qu’on possède, c’est d’exister durant l’ère de l’information. La connaissance est accessible à bout de clics, faut-il encore prendre la peine de la chercher. Munissons-nous de l’autodidaxie, d’une lucidité d’esprit et d’une vaillance de jeunes. Bref, « savoir, c’est pouvoir » disait Francis Bacon.