samedi 26 mai 2012

Maroc, pays de l’absurdité et de l’impunité




            On ne cessera jamais de le répéter assez, notre pays est une exception. Nous savons nous détacher du lot quand il s’agit du ridicule et de paradoxes flagrants. Notre quotidien est constamment ponctué par des faits plus surprenants les uns que les autres, où chacun de nous peine à trouver de la cohérence et de la logique pour en expliquer les péripéties.

            J’avais écrit un billet l’année dernière portant sur la cérémonie d’allégeance et ses fameux rites. Depuis, on a eu droit à une perfection de ces pratiques : Durant la récente nomination des walis, on a eu droit à des prouesses dignes des plus souples des colonnes vertébrales. Ces actes de soumission et de sujétion datant du moyen-âge ont lieu dans le pays du TGV et du Morocco Mall … Mais si l’acte de se prosterner peut étonner, attendez-vous aux réponses qui s’ensuivirent !

            Notre cher Zemzemi, mufti spécialiste en sexologie et perversion a profité de l’occasion pour défendre ces actes et affirmer qu’ils expriment un certain « respect historique à la monarchie » … et que toute personne critiquant cela devrait se mêler de ses propres affaires à l’instar de Rissouni. Cher Zemzemi, on est bien obligés de supporter vos inepties sous le couvert de la liberté d’expression, mais vos propos commencent à sérieusement nous agacer tellement le taux de leur débilité est élevé. Ce qui fait plus mal que l’absurdité, c’est la justification de l’absurde.

            Mais si l’absurde peut prendre la forme de propos, rien ne l’empêche de revêtir celle de mutisme. Mutisme que l’on retrouve chez notre cher gouvernement. Selon les préceptes de l’Islam, la prosternation n’est autorisée que pour le divin et reste prohibée pour l’humain. Où en est alors la langue de Benkirane et ses compagnons ? Où est la commanderie des croyants et la sage gouvernance qu’ils ne cessent de nous crier au parlement ? Le PJD se déclare comme parti à référence islamique, et maintenant qu’ils sont aux rênes leurs principes se sont soudainement évaporés ! À titre d’exemple, je me rappelle du monologue de Hakkaoui à propos de Mawazine l’année dernière où elle traitait un des spectacles programmés de « pornographie » durant sa diatribe. Tout cela s’est évaporé apparemment pour laisser place à Benkirane affirmant que « Mawazine a son public ».
           
            Continuons de parler de Mawazine tant qu’on y est, j’étais contre l’annulation du festival et je le reste encore. Cependant, ce dernier a connu un fait bien surprenant qui met en exergue l’impunité marocaine : le préfet de la police de rabat a été tabassé par deux jeunes spectateurs devant le public, après des coups de fils, nos deux « fils à papa » ont retrouvé leur liberté.

            La police, organe censé faire régner l’ordre et la sûreté retrouve son préfet tabassé et les coupables s’en tirent indemnes, cela ne peut se produire qu’au Maroc. Mais quand il s’agit d’un rappeur, fils du peuple nommé El Haqed, il suffit de lui coller un an de prison ferme pour avoir « manqué de respect » à la police via ses paroles et se chansons ! Entre des paroles de rap et une raclée encaissée par le préfet en plein public, où se situe le manque de respect ?

            Comble de l’ironie encore une fois : lors d’un sit-in de solidarité avec le préfet Moufid, des activistes ont été violemment dispersés … par des policiers. Allez comprendre !

            Le constat est clair encore une fois : le Maroc reste le pays de l’absurdité et de l’impunité, l’état de droit et d’équité ne reste qu’un rêve dans le plus beau pays du monde.
 

dimanche 13 mai 2012

Viole-moi, futur époux


                Il y a quelques mois, Amina El Filali, une jeune fille âgée de 16 ans native de Larache s’était donnée la mort après avoir été forcée d’épouser son violeur. Aujourd’hui, c’est Safae, tangéroise de 14 ans qui a été mariée contre son gré à son violeur par un juge. Cerise sur le gâteau : ce mariage est parfaitement légal selon l’article 475 du code pénal marocain qui garantit l’immunité au violeur tant que le mariage n’est pas annulé !

                Les us marocains offrent un piédestal à la notion d’honneur et de virginité, notions dont les corrélations diffèrent d’un milieu à un autre. Cependant, cela ne peut justifier en aucun cas le recours à des mariages forcés pour cacher « la honte ». Les sanctions pénales ont pour dessein de rectifier les dérapages qui émanent des individus vis-à-vis du contrat social qui nous lie. Mais donner au violeur le subterfuge du mariage avec sa victime devient alors une aberration à l’encontre de la victime, de sa famille et de la société.

                Le tort revient unanimement au violeur qui doit être châtié pour la débauche de sa virilité. Comment peut-on le marier à une fille qui a été violée à un âge où son corps continue de croître ? Le mariage précoce est fortement condamnable, que dira-t-on du mariage précoce et forcé à son violeur ? L’article 475 condamne, oui, mais il condamne la victime et non le bourreau. 

                La société marocaine est amenée à évoluer et à dépasser ses coutumes rétrogrades qui offrent un refuge aux pervers. Sous le couvert du silence et de l’honneur, plusieurs viols et cas de pédophilie sont perpétrés, le coupable tire profit de cette situation pour récidiver encore et encore. Le nombre des victimes augmente, les séquelles physiques guérissent tandis que les psychiques persévèrent et deviennent une obsession chez les victimes.

                Nous devons dépasser les justifications futiles et changer cet article. L’heure n’est guère aux justifications religieuses ou conservatrices. Pensons à ces victimes, au tort qu’on leur fait subir en aggravant le viol par le mariage forcé. De cette façon, la société devient complice du violeur, gratifie son acte et encourage d’autres à suivre son modèle. Merci la loi !

                La ministre Hakkaoui avait appelé à lancer un dialogue national sur cette affaire, si abolir cette aberration du code pénal devra attendre une décennie, alors restons les bras croisés à dénigrer et à condamner ces actes. On connait Safae, on connaissait Amina, mais on ne connait pas les centaines d’autres marocaines qui subissent le même sort et gardent leur mutisme.  La doxa marocaine constitue une épée de Damoclès pour la victime et sa famille, ne donnons pas cette épée au violeur, mais enlevons-là avec notre mobilisation. Ne permettez pas aux violeurs de devenir les futurs époux de leurs victimes. Sauvez Safae !

samedi 12 mai 2012

Elkhelfi et ses frères les épouvantails



                J’avais écrit il y a quelques jours un article traitant de l’affaire des cahiers des charges d’Elkhelfi. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et bien des péripéties se sont déroulées. La tournure des événements a pris des tournants drastiques.

                Benkirane et son ministre de la communication ont « discuté » avec le roi à propos de ces cahiers des charges. Ils ont déclaré que la discussion était fructueuse et que le roi appuyait leur volonté de réformer les médias publics. De belles paroles. Juste après, on a entendu Benkirane affirmer que « les appels à la prière ont leur place à la mosquée et non aux chaines télévisées », les cahiers des charges ont été ensuite confiés à une commission présidée par ministre de l’habitat et retirés à Elkhelfi – l’exception marocaine a frappé encore une fois - et les anciens cahiers ont été maintenus en vigueur. Et pour clore le spectacle, le président de la HACA ayant validé les cahiers des charges a été royalement retiré de son poste.

                On est loin de la vigueur avec laquelle Elkhelfi défendait ses cahiers des charges, on est bien loin de sa menace de démission. De cela, on est passé à des déclarations où il mettait de l’eau dans son vin en affirmant que les cahiers appartenaient à tous les marocains et qu’ils comprenaient des clauses sujette à modification … Ce qui m’intrigue dans cette affaire c’est la célérité avec laquelle le ministre a délaissé sa dignité, celui qui criait avec colère que le peuple l’avait choisi pour réformer les médias publics.

                Si l’on était dans un pays où les ministres avaient du courage politique et savaient garder leur dignité, Elkhelfi aurait déposé sa démission. Mais au contraire, on se met à justifier l’injustifiable, à atténuer les discours et à diluer les vérités. Cette affaire était devenue pour l’opposition un régal où chaque député s’amusait à puiser dans la langue de bois pour fustiger « les dérapages du gouvernement » et sa négligence de « l’approche participative ».

                Les premières séquelles d’affrontement avec les centres du pouvoir ont démontré une lâcheté inexorable de la part du gouvernement mené par le PJD. Au lieu de continuer avec le leitmotiv de « bâtir et réformer ensemble, gouvernement et monarchie », vous devriez avoir le courage de dénoncer les obstacles qui vous sont dressés au lieu de cajoler le palais et son entourage.

                Le constat s’affirme pour la énième fois : les rouages du pouvoir et des centres de décisions sont biaisés. Le régent demeure le roi, avec un gouvernement composé de ses conseillers. Tandis que le gouvernement Benkirane ne constitue qu’une mascarade servant à encaisser les critiques du peuple, des épouvantails qui ne font qu’accentuer le caractère « salvateur » de la monarchie absolue. Les épouvantails deviennent adeptes de la rente et de la mascarade jusqu’à ce qu’un vent « saint » les emporte pour ramener de nouveaux pantins. Tout cela sous le couvert d’une nouvelle constitution étriquée de tous les côtés et sous les chants de « la lutte contre la corruption ».

                Comment pourrait-on attendre d’un tel gouvernement qui délaisse ses cahiers de charge d’une manière si lamentable, qui s’effrite si majestueusement et d’une manière si lâche la résolution de problèmes si sérieux que le chômage, la crise économique et la pauvreté ? J’ai défendu Elkhelfi lorsqu’il défendait sa cause et ses prérogatives, mais je ne peux que le blâmer pour cette fin misérable, la fin d’un épouvantail !

L’ingénieur marocain insulté



                Une offre d’emploi a été récemment publiée par la société OMNIDATA. Cette dernière sollicite un ingénieur d’affaires. Rien de plus normal, une société à la recherche d’un ingénieur. Cependant, le diable réside dans les détails, dixit le vieil adage. Et le détail cette fois-ci concerne une clause citant que le candidat pour ce poste « devrait avoir fait ses études dans le système français, canadien ou américain depuis le lycée, sinon au moins après le Baccalauréat. »

                Ceci constitue en premier lieu une violation au code du travail en vigueur. Ce dernier affirme dans son volet traitant des dispositions générales que toute distinction devrait être basée sur la compétence et écarter ce genre de discriminations arbitraires vis-à-vis du salarié marocain. Ceci ne peut être toléré d’une société possédant son siège social sur le territoire marocain.

                Au-delà de l’aspect légal, cette distinction constitue une insulte aux ingénieurs marocains issus de l’école marocaine. C’est une insulte au jeune issu d’un milieu défavorable, né dans une famille où les parents avaient toutes les peines du monde pour lui garantir le droit à l’enseignement, insulte à l’ingénieur qui a étudié dans une classe de 50 personnes et où garder la concentration et assimiler les enseignements était le treizième défi d’Héraclès. Cet ingénieur marocain qui a suivi ses cours dans un collège où la délinquance faisait foison, où la drogue se vendait à la porte de l’établissement et où gouttes de pluie mouillaient ses cahiers lors de l’hiver.

                Cet ingénieur qui s’est trouvé dans un lycée où il y avait deux façons de réussir : payer des heures supplémentaires à un enseignant pour qu’il gonfle ses notes ou devenir autodidacte, il a choisi la deuxième option. Cet ingénieur qui a franchi la porte des classes préparatoires, qui a fréquenté ceux qu’on appelle « les fils du peuple », qui a rencontré des camarades venus de recoins dont il n’avait jamais entendu le nom et qu’il ne savait localiser sur la carte. Leur courage et leur volonté à toute épreuve l’ont laissé bouche bée. Cet ingénieur qui a décroché l’entrée à son école d’ingénieurs favorite. Qui est devenu la fierté de sa famille et sur lequel l’espoir résidait désormais. L’ingénieur qui aide son père retraité, sa mère malade et son frère cadet. Cet ingénieur qui travaille avec honnêteté et démontre ses compétences à toute épreuve …

                La dernière chose qu’attend ce fruit de l’école publique, après avoir surmonté tous ces problèmes est qu’on l’insulte. Qu’on le prive de ses chances de dévoiler ses aptitudes sous prétexte de ne pas avoir fréquenté un enseignement étranger. Cette discrimination outrageuse ne peut être tolérée en aucun cas par l’ensemble des ingénieurs issus de l’école publique marocaine.

                Ce genre d’annonces ne devrait guère avoir lieu, ladite société devrait présenter ses excuses à l’ensemble des ingénieurs marocains et revoir ses critères de choix.

                Avec les salutations d’un élève-ingénieur marocain issu de l’école publique.

Mahdi Zahraoui
Président de l’association des élèves ingénieurs de l’INPT