jeudi 28 avril 2011

A la défense de Mawazine



Maintes voix se sont élevées ces derniers jours pour prôner l'annulation du festival Mawazine. Le festival dans sa dixième édition est ainsi tombée dans le collimateur de la ferveur populaire et du mouvement du 20 février.

Je vais le dire aussi clairement que je le peux : je suis contre l'annulation de Mawazine.

En premier lieu, ce festival a su donner une ampleur à la capitale et au pays : Voir des artistes de renommée mondiale affluer des quatre recoins du monde pour se donner rendez-vous sur les scènes de Rabat et de Salé est une immense promotion pour la culture au Maroc. Allant de B.B.King à Cat Stevens en passant par Mayda Al Hanaoui, Abdelouahhab Doukkali et de multiples artistes, le festival a su devenir un carrefour international pour les mélomanes.

Presque tous les goûts y sont satisfaits à travers ses huit scènes et le choix est toujours quasi difficile. Libre à vous de ne pas apprécier un certain ou une certaine chanteuse, mais ce n'est pas pour autant une raison pour puiser dans le stigmatisme et lier l'image du festival à un seul artiste ne faisant pas l'unanimité parmi les tympans des spectateurs.

Pour les plus pragmatiques d'entre vous, n'oubliez guère que durant la période sur laquelle il s'étale, Mawazine donne aussi un nouveau coup de souffle à l'économie de la capitale à travers l'atmosphère engendrée.

Venons-en là où anguille sous roche il y a. Ce qui a gravement nui à la réputation du festival, c'est qu'il émane de Mounir El Majidi avec sa fameuse association Maroc-cultures. La corruption de celui qui est devenu l'un des ennemis publics les plus prestigieux de la société marocaine a su porter son ombre sur ce festival. Scander 'Non à Mawazine' est devenu une synecdoque à 'Majidi dégage'.

D'autant plus qu'avec un ministère disloqué de la culture, les autres aspects des arts et de la culture se sont trouvés gravement atteints et tombés dans une déchéance incomparable. Et quand Mawazine se détache du lot, la plaie de l'injustice se ressent encore. Et c'est pour cette raison que Mawazine doit être mis à pied d'égalité avec les autres manifestations culturelles ou plutôt une attention aussi importante que celle accordée à ce festival devra être accordée aux autres aspects de la culture, car culture n'est pas seulement musique.

Un des autres arguments formulés par les détracteurs du festival est la pauvreté. Est-ce parce qu'on souffre de chômage et de la pauvreté qu'on doit tout annuler ? Pendant que vous y êtes appelez aussi à l'annulation du festival du cinéma de Marrakech, de Tanjazz, du festival des musiques sacrées de Fès et de toute autre manifestation culturelle sous l'excuse que ces derniers puisent dans l'argent public.

Je suis contre l'annulation, parce que j'ai toujours cru que détruire n'est pas la solution.
Au lieu d'appeler à l'annulation, on doit exiger une rationalisation des dépenses et une transparence totale des ressources du festival. Au mieux, appeler à ce que le festival soit parrainé par une autre figure que Majidi. Le moindre centime douteux et venant de l'argent public doit être écarté si manipulation sournoise s'y trouve.

En regardant les choses d'une autre perspective, on constate que le mouvement du 20 février commence à éparpiller ses efforts en se concentrant sur des requêtes de ce genre. Les exigences politiques sont à mettre dans le premier ordre tant que la conjoncture est favorable, ce qui ne le sera pas pour toujours … à votre avis, La priorité revient à annuler Mawazine ou à fermer le centre de détention de Témara ou des exactions affreuses sont commises sur les détenus ?

mercredi 6 avril 2011

Makhzen, on est toujours là



            Depuis la date du 9 mars, date où le roi s’est adressé à la nation afin d’énoncer des réformes constitutionnelles sous le couvert de la régionalisation avancée, un tumulte politique s’est emparé de la société marocaine : la constitution est décortiquée, discutée, revue en considération et ses articles les plus douteux sont mis en exergue. Toute cette turbulence a fait vaciller le lac nauséabond et stagne de notre plateau politique.

Cependant, après que nos partis politiques désuets aient exprimé leurs fameuses conceptions de la réforme constitutionnelle, nous avons eu droit à une certaine déception qui était assez prévisible. Le concept de monarchie parlementaire n’était même pas existant dans la majorité des reformulations données. Comble de l’ironie : certains se sont mis à nous chanter que le roi devait régner et gouverner. Pire : on retrouve quelques uns qui s’attachent encore à la sacralité du roi ! Je n’aurai guère été choqué si un politicard proposait qu’on dissolve le gouvernement et le parlement pour céder le pouvoir absolu au roi et qu’on sacralise toute la famille Alaouite pour clore le spectacle.

Ces masturbations intellectuelles de notre classe politique n’expriment que le fait qu’ils attendaient ce fameux signal du palais afin de se pavaner devant nous avec leurs discours et leur langue de bois dont on a eu assez il y a belle lurette. D’ailleurs toute personne se dotant d’un zeste de rationalisme saura que le changement n’émanera pas de ces institutions disloquées qui n’ont quasiment rien offert aux citoyens. N’essayez pas de nous convaincre que vous avez appelé à des réformes auparavant. Notre mémoire n’est pas si courte pour oublier ce que vous disiez du 20 février avant son éclosion.

Venons-en à la déclaration d’un certain membre de l’équipe choc d’Abdellatif Menouni, notre éclairé Tozy avait déclaré qu’une monarchie parlementaire était inadéquate au Maroc vu que la classe politique n’était pas à la hauteur de ce système et qu’ainsi, le plus approprié selon sa haute clairvoyance est une monarchie constitutionnelle … Tout d’abord cher Tozy, la déontologie du métier vous impose une neutralité d’opinion, vous qui êtes membre de la commission chargée de la révision de la constitution. Deuxièmement, une monarchie parlementaire est un package indissociable à prendre où à laisser comportant des mécanismes judiciaires qui permettront de juger cette classe de politicards et de mettre à niveau notre paysage politique. Troisièmement, la monarchie dans sa forme actuelle, en s’octroyant le droit divin, la sacralité et le droit absolu camouflé sous de piètres mécanismes est le plus grand contributeur à l’effigie affligeante de notre système. En dernier lieu, en faisant de telles déclarations, vous vous arrogez en un sage qui puisse prendre les meilleures décisions pour ce peuple. Un égoïsme et un élitisme sans égal ! N’oubliez surtout pas que vous n’êtes qu’un pion nommé par sa majesté afin d’exécuter ses propres directives, directives que vous ne cessez de nous chanter officieusement ...

Vous n’êtes pas le seul mercenaire dans cette propagande, notre cher Taïb Fassi Fihri n’a pas voulu délaisser le discours archaïque de l’exception marocaine et a essayé de nous persuader de délaisser la volonté du changement via sa vision pessimiste et sa métaphore des saisons … Vu la débilité des arguments et du discours formulé par notre cher ministre vous m’excuserez de ne point envisager de lui rétorquer.

Délaissons les déclarations et venons-en aux faits. Pendant la gestation des nouvelles réformes, quasiment aucune autre requête du mouvement du 20 février n’a été revue en considération. Tout comme le roi a annoncé les réformes constitutionnelles, chose aisée pour lui est de nous annoncer la dissolution de ce gouvernement et de ce parlement qui ne font que de la figuration. Le taux d’abstention record dans les dernières élections, les humbles prestations des ministres dans leurs postes, les prérogatives accordées en foison à leurs proches, les huées qui poursuivent chaque ministre au moindre de ses déplacements … Tout cela n’est-il guère satisfaisant à l’égard du roi ? Si les opinions divergent sur le mouvement du 20 février, j’estime que cette divergence s’atténue, voire se collapse totalement quand il s’agit de la satisfaction engendrée par les ministres et les députés bicaméraux. Jusqu’à quand préférera-t-on ces composantes au peuple marocain ? Je défie tout individu de me donner un seul argument qui puisse justifier la nécessité de garder ces instances avec leur état présent dans le contexte actuel.

D’autre part, les méandres du holding royal et de ses figures de proue sont toujours à l’ordre du jour. Ce n’est parce qu’on a lancé le chantier de la constitution que l’on doit oublier notre cher Majidi … Une réglementation stricte doit être établie en parallèle, permettant ainsi la compétitivité et la transparence du marché au lieu de favoriser le népotisme.

Cette persistante bénédiction et protection royale des individus cités ci-dessus peut être interprétée selon deux façons, et ce selon les parties : Membres du gouvernement et parlement y verront une immunité et une exemption émanant de la plus haute autorité du pays consacrant ainsi l’atmosphère politique malsain, tandis que moult citoyens y verront que la monarchie préfère être entourée de fourbes qui ne lui demanderont guère des comptes et applaudiront les moindres de ses décisions …

Le printemps arabe est loin de plonger dans une phase d’hibernation, il risque au contraire d’être plus féroce et plus attaché à ses requêtes s’il constate que manipulation il y a. Et le Maroc n’en est pas l’exception … Voyons ce que les prochains jours nous apporteront. …