mardi 13 novembre 2012

Réflexion sur la monarchie marocaine




            La vague du printemps arabe a apporté plusieurs changements au sein des pays concernés. Un changement tant attendu par les citoyens du monde arabe. Certains pays ont vu leurs régimes s’effondrer, d’autres ont mené des réformes plus atténuées tandis que certains ont su résister aux prémices d’un soulèvement populaire. Le Maroc figure parmi les pays qui ont été submergés par cette soif de démocratie, mais la monarchie marocaine a su concocter la réponse qui lui convient aux requêtes formulées par le mouvement du 20 février, mouvement ayant guidé ces aspirations au changement. 

            Avant de se lancer dans une réflexion sur cette monarchie, attelons-nous à mieux la définir et à cerner ses caractéristiques. Un premier regard nous amène à constater que c’est une monarchie couteuse, bien couteuse. Le projet de loi de finances pour l’année 2013 consacre la modique somme de 2.576.769.000 MAD pour le palais royal. Divisée par les jours de l’année, ce chiffre se mute en la valeur de 7 millions MAD issus de l’argent du contribuable marocain et alloués quotidiennement et directement au palais royal. Ce montant arrive à tripler, voire à quadrupler le budget alloué à certains ministères au sein de ladite loi de finances. Jusqu’à présent, aucun parlementaire n’a osé discuter cette somme. La rubrique royale se retrouve toujours validée à la vitesse de l’éclair durant les sessions du parlement marocain.

            Pour un pays dont l’indice de développement humain est le 130ème sur le plan mondial, dont 40% des habitants sont encore analphabètes et où le quart de la population vit sous le seuil de la pauvreté, ces deniers auraient définitivement trouvé un meilleur usage.

            En plus de détenir une part conséquente dans la répartition de l’argent du contribuable, la monarchie alaouite contrôle incontestablement les rênes de l’économie marocaine. L’outil est une redoutable composition inextricable de holdings dont la plus connue est la fameuse SNI, société nationale d’investissement. Rien qu’énoncer son nom fait frémir et rétracter les entrepreneurs les plus aguerris du pays. Cette holding détient le monopole des secteurs économiques les plus importants du Maroc. Après une fusion et réorganisation de ses filiales entamée deux ans auparavant, cette holding commence à céder l’industrie des huiles, des produits laitiers et de la biscuiterie afin d’investir dans le secteur des énergies renouvelables et des nouvelles technologies. Le monopole du consommable est délaissé au détriment du pérenne, plus alléchant et produisant des marges de gain plus attractives. Miloud Chaabi, le marocain le plus riche selon le dernier classement de Forbes a lancé à maintes reprises des critiques sulfureuses vis-à-vis du manque de transparence dans certaines affaires où des intervenants proches du palais prenaient part.

            La monarchie marocaine possède à son titre maintes terres agricoles fertiles, faisant d’elle le leader national de ce secteur qui rapporte des gains immenses à ses investisseurs. Surtout lorsqu’on sait que l’agriculture marocaine est exonérée d’impôts et bénéficie de subventions bien attirantes.  

            Cet aspect d’hégémonie économique et financière ne pouvait prendre lieu si la monarchie n’avait pas la capacité de faire la pluie et le beau temps au Maroc. Le roi reste en effet le décideur incontestable du pays. Le régime a procédé durant l’année dernière à une réforme constitutionnelle. Une campagne médiatique féroce a été menée par le régime pour vendre les mérites de la nouvelle constitution, certains sont allés jusqu’à déclarer qu’elle entamait l’ère de la nouvelle monarchie alaouite. Un black-out médiatique a été mené en parallèle pour contrecarrer les appels au boycott de la « constitution octroyée », thème disputé entre la monarchie et ses opposants depuis plus d’un demi-siècle. La constitution fut adoptée à un score Brejnevien.

            Des élections législatives anticipées furent organisées. Ces dernières donnèrent victoire au parti de la justice et du développement, parti islamiste d’opposition accédant la première fois au gouvernement. Au gouvernement, non au pouvoir. Bien des espoirs furent nés, mais se dissipèrent à la vitesse de la lumière. Dès son premier chantier, une simple réforme des cahiers des charges des médias publics, un tapage médiatique incontestable fut soulevé. On a vu des subordonnés des ministres faire les rebelles et donner des déclarations à l’encontre de ce chantier sans être dérangés. Un « arbitrage royal »  s’imposait dès lors. Juste après les cahiers des charges furent octroyés à une commission présidée par le ministre de … l’habitat !

            De nombreux épisodes se succédèrent dès lors : Une hausse bien impopulaire des prix des carburants afin d’alimenter les caisses de l’état, la taxation des riches fut abandonnée à la vitesse de l’éclair sous prétexte de faire fuir les investisseurs, silence radio sur le plus grand festival du pays que les islamistes dénigraient autrefois à l’opposition, le chef du gouvernement présentait ses « excuses » au roi et à ses conseillers, le ministre de l’enseignement supérieur veut en finir avec la gratuité dudit enseignement, une ligne de crédit record de 6.2 milliards de dollars fut ouverte auprès du FMI et le chef du gouvernement dit souffrir des « crocodiles et démons » qui l’empêchent de réformer. Il devient ainsi la risée des journaux qui suivent chacune de ses déclarations, trop spontanées et non mesurées pour un leader politique. C’est ainsi que ces mesures ne font que participer à la chute de popularité du gouvernement à une vitesse frénétique. 

            Une lecture de la nouvelle constitution nous amène à tirer la conclusion amère que la « monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale » telle que définie dans le premier article de ce contrat social ne reste qu’une monarchie absolue camouflée avec des institutions bien impuissantes. Aucune décision ne peut être contradictoire avec les envies et caprices de la monarchie, si petite soit-elle. Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement affirme avec ferveur et par ses actes qu’il ne peut confronter le roi et que l’évolution du pays ne peut se faire que dans l’entente entre gouvernement et monarchie. La récente visite du roi au pays du Golf a illustré encore une fois le pouvoir des conseillers de sa majesté. Conseillers qui constituent ce que l’opposition appelle « le gouvernement d’ombre », celui de façade ne servant qu’à encaisser la ferveur populaire. Les chaines officielles relatent toujours les simples visites royales telles des épopées d’Ulysse, consacrant ainsi l’image d’un roi bienveillant et d’un gouvernement incompétent.

            Cet aspect de monarchie salvatrice est accompagné par une forte symbolique créant la controverse au sein de l’opinion publique. Entre des baisemains considérés comme le salut respectueux au monarque, des prosternations bien humiliantes des commis de l’état durant une cérémonie d’allégeance datant du moyen âge et des foules « galvanisées » pour accueillir le monarque à chacun de ses déplacements. Bref, un cérémonial prestigieux où la monarchie étale sa puissance et son pouvoir suprême, où elle transmet le message qu’elle est l’épine dorsale de ce Maroc. L’opposition est quant à elle balbutiante, désorganisée et manque sévèrement de leaders charismatiques. Entre de timides communiqués, des prises de positions bien hésitantes et des joutes verbales avec le gouvernement, l’essentiel est ainsi toujours écarté. 

            Avec ce portrait, un arrêt s’impose. Avec ces données dressées, de nombreuses questions se posent. La forme actuelle de la monarchie contribue-t-elle au développement du pays ? Ce développement, figure-t-il tout d’abord dans ces objectifs ? Est-elle dotée d’un sens de nationalisme et de patriotisme à l’égard des marocains qu’elle considère des sujets et non des citoyens ? Est-elle prête à lésiner sur les moyens dans une conjoncture de crise où s’entête-elle à garder le même train de dépenses ? Est-ce le coût d’une présumée stabilité sociale et économique du pays ? Les marocains ne méritent-ils pas mieux, ne veulent-ils pas mieux ? Qui rendra les comptes des politiques publiques, un chef de gouvernement sans pouvoir ou un roi dont la personne est inviolable ? L’option de monarchie parlementaire ne serait-elle pas la plus adéquate pour le Maroc ?

            Quoi qu’il en soit, je pense que l’état actuel du Maroc ne fait qu’alimenter le compte à rebours d’un changement drastique. Vers quelle voie et dans quel laps de temps ? À vous de me le dire …

9 commentaires:

  1. Bonsoir, vous dîtes que l'opposition est incapable, mais à côté de ça, vous préconisez une monarchie parlementaire ???? Et donc, qui dirigera la vie politique du pays ? De plus, vous parlez du mouvement du 20 fevrier, soit disant mouvement populaire, mais il faut savoir que ce mouvement a été dès le début phagocyté par les extrémistes d'al-adl wal ihsane, sans eux, le mouvement aurait disparu bien avant. En plus de ça, la succession du référendum et des élections législatives, eut égard au résultats et aux taux de participations, a renvoyé le 20 fevrier à son vrai niveau...C'est-à-dire pas grand chose. Maintenant, vous qui vous dîtes démocrates, quelle est la définition de la démocratie ? La base même d'un régime démocrate est la stabilité de ce-dernier, or force est de constater que la monarchie est très stable et est soutenue par la majorité du peuple marocain. De plus, des changements radicaux ont pu être observé depuis la montée au pouvoir du gouvernement islamiste de Benkirane donc de là à dire que ce-dernier n'a aucun pouvoir, c'est faux, il est juste à la tête d'un gouvernement incompétent qui va causer la perte de notre pays si ça continue comme ça. Maintenant, simple comparaison, regardez la tunisie et le maroc, actuellement, les choses vont mal, très mal en Tunisie, la situation se détériore de jours en jours, ils ont voulu la démocratie, ils ont remplacé la peste par le choléra, au Maroc, on a la chance d'avoir un roi qui apporte la stabilité, la paix, et la modération donc respectons cela, les peuples arabes ne sont pas près pour avoir un total pouvoir entre les mains, laissons le temps faire les choses et peut être qu'un jour, toute cette utopie deviendra réelle, mais nous ne seront plus là pour voir ça, mais en attendant, pour le bien du Maroc, laissons la monarchie en paix et ésperont qu'elle vivent le plus longtemps possible

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  2. Commencez ta réflexion par son cout montre que ta réflexion est biaisée! Dommage, j'aurais voulu continuer à lire mais je n'aime pas la mauvaise foi intellectuelle!

    Tu attends un changement pour ce pays : mais tu en oublies l'histoire, la structure sociale et les aspirations de son peuple.

    En fait ton billet, c'est de la politique à deux dirhams, juste pour la galerie!

    Dommage pour quelqu'un qui semble être un brillant étudant!

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    1. Merci pour vos conclusions hâtives, demandez aux citoyens qui ont faim, qui ont froid, qui n'ont pas de quoi soigner leurs enfants. Demandez à ceux qui sont sous le seuil de pauvreté et vous verrez ce qu'est le "cout".

      Votre commentaire, c'est des paroles à deux sous.
      Vous n'avez même pas lu l'article et vous commencez à tirer vos conclusions.

      Je vois la couleur la diversité que vous criez dans votre café ... Quant à moi je ne sens aucun regret à votre égard.

      Il aurait été préférable de discuter l'article et non ma personne. Ce n'est pas à moi de vous apprendre les préceptes.

      Quoi qu'il en soit, vous êtes le bienvenu sur mon blog.

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    2. Dans un premier temps, tout d'abord, je ne me permet pas de vous tutoyer donc j'attendrais la même chose venant de votre part, merci. Puis, je n'oublie ni l'histoire de ce pays qui vient appuyer la thèse qui dispose que le Maroc et la monarchie sont indivisible, unis, maintenant, la structure sociale du Maroc : eut égard au statut de la monarchie et du roi, nous la pourrions considérer comme la clef de voûte des institutions, le pilier de l''ordre social. En ce qui concerne les aspirations du peuple marocain, toute idée de démocratie,... me semble t'il bien loin de ses pensées premières. Après, je pense que vous pourriez bien penser, mais malheureusement des élements essentiels font défaut pour pouvoir qualifier votre raisonnement de non faussé. Personnellement, je n'adhère pas à votre théorie comme vous l'avez pu le remarquer mais j'ai pris le temps de vous lire entièrement pour pouvoir analyser vos dires et ensuite, l'aigreur ne mène à rien, et, au lieu de faire des attaques personnelles, qui sont souvent le signe d'un malaise, essayez donc de débattre sur les idées, c'est vachement plus intéressant et stimulant pour chacun d'entre nous, mais, lorsque vous avancez une "thèse", il est préférable de la justifier, je cite "mauvaise foi intellectuelle" mais en quoi ? "politique à deux dirhams, juste pour amuser la galerie" pourquoi ? Vous avez l'air de vous intéresser à des sujets primordiaux mais malheureusement, ce côté ultra-moralisateur et bien pensant, signe d'une jeunesse marquée par des visions utopistes innatégniable de la vie dégrade fortement la qualité de votre article...

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  3. je disais toujours que les éléments rares sont trop chers ,bonne chance mon ami! ,dommage pour ceux qui sont enfermés dans une boule et qui ne savent même pas l'état actuel du Maroc . rappelez vous que ''c'est facile de critiquer ''.Quand je lisais ce que POLITIS a écrit j'ai compris que il y'a pleine de gens qui jouent le rôle d'un suiveur ... des coutumes gravées , des trucs simples qui servent a rien, la majorité ...mais c'est normale car ils sont manipulés, inculqués ..soit par les médias , à l'école , par des gens ...||| soyez un peu réalistes |||

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  4. La forme actuelle de la monarchie freine le développement du MAROC elle est responsable de la situation catastrophique du pays et des citoyens c'est une monarchie absolue qui controle tout les secteurs et groupe les trois pouvoirs dans ces mains constituant ainsi un régime fondé sur le despotisme .avec tout ce pouvoirs reservé au roi dans la constitution ce dernier demeure hors zone de questionnement.les élections ,cette piece de théatre,nous donne des gouvernements sans force incapable de décider dans le sort du pays et dans ses choix stratégiques c'est une constitution démocratique que les marocaines veulent avec un roi qui règne et ne gouverne pas, une séparation claire et nette des pouvoirs,et une liberté d'expression garantie.

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  5. je ne suis trop bavard, mais j'estime que votre analyse est correcte,je suis une victime de ce système et je suis témoin de ce que disent les sceptiques,alors que c'est prouvé par la réalité vécue par moi et le reste des démunis de ce pays

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  6. Bravo Mahdi pour votre analyse. Vous faites un bon constat des choses...Au final, rien ne change. Le Maroc vit au-dessus de ses moyens et dommage qu'a l'heure des crises européennes on ne prenne pas un changement de cap.

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  7. Merci gma Mahdi pour ton analyse que je trouve très pertinente. Il est bien que tu aies posé toutes ces questions à la fin, mais qu'elles soient sans réponses laisseront d'autres répondre par d'autres options que celle à laquelle tu insinues..
    En tout cas, ton effort est louable, en attendant de nouveaux billets :)

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